Et la guerre arriva… le parcours d’Alphonse Lussier.

Classe 1912, bureau de recrutement d’Avesnes dans le Nord (Avesnes-sur-Helpe), n° matricule 1500…, dès le 9 octobre 1913, Alphonse est incorporé au 24e Régiment d’Infanterie, régiment dont les lieux de recrutement sont Paris, le fort d’Aubervilliers et Bernay en 1914, régiment qu’il ne quittera pas.

Fiche matricule Alphonse Lussier
Insigne du 24e RI en 1914-1918 (sources wikipedia)

Dans la transcription de son décès – Alphonse est caporal, et fait partie de la 1ère compagnie du 24e RI -.

Archives de Paris (28 mai au 12 juin vue 5) 31 mai 1916

Dans sa fiche Mémoire des Hommes, il est mort le 25 mai 1915 à Aix-Noulette dans le Pas-de-Calais.

Fiche Mémoire des Hommes

Comment comprendre les circonstances de sa mort ? les évènements concernant la 2e bataille d’Artois (9 mai – Juin 1915) et son déroulement, sont en annexe en fin d’article.

L’offensive du 9 mai prendra les Allemands par surprise mais ils réagiront très vite.

Le 24e RI n’est pas présent le 9 mai, il se trouve en Champagne. Mais dès le 15 mai, nous le retrouvons au côté du 28e RI en route pour Camblain-l’Abbé (62). Le 16 mai « à 11 heures, un ordre de la 43e Division prescrit que le 24e relèvera le 158e Régiment d’Infanterie. Cette relève aura lieu dans la nuit du 16 au 17. » JMO du 24e RI. Direction Route d’Arras entre Souchez et Aix-Noulette.

Dès le 15 mai, les ordres avaient été donnés concernant la position des 24e et 28e RI :

JMO 24e RI 15 mai 1915

Il n’existe pas de plans dans les JMO du 24e RI qui permettent de situer exactement les combats. Ces informations, je vais les tirer d’un site consacré à l’historique du 28e RI.


Une vue aérienne du secteur de Noulette mai 1915
Document : Jean Quintard

C’est alors une guerre d’usure, beaucoup de soldats tombent, jusqu’au jour fatal pour Alphonse, le 25 mai :

JMO 25 mai 1915 http://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr/fr/ark:/40699/e005278ce95dfb5c/5278ce967adea

Voici l’endroit où Alphonse Lussier a vraisemblablement trouvé la mort.

Tranchée des Saules actuellement, on voit au fond le Bois Carré

« Le 25 mai, après une faible préparation, les vagues d’assaut débouchent sur un terrain battu par les feux des mitrailleuses et de mousqueterie. Le plus grand nombre des assaillants est fauché. Une faible partie des effectifs engagés gagne la tranchée adverse, où un combat corps à corps s’engage. Les survivants de la vague d’assaut organisent le terrain tant bien que mal. Mais l’ennemi contre-attaque avec fureur et quelques isolés seulement peuvent regagner la base de départ. Du 15 au 25, le 24e RI a subi des pertes excessivement lourdes : 30 officiers hors de combat, dont 10 tués ; 1 055 hommes hors de combat, dont 160 tués (sous-lieutenant Battiny, lieutenant Kempf, lieutenant Besse, capitaine Salles, capitaine Valence, sous-lieutenants Hennequin, Pèlerin, Appert, etc., tués). Relevé dès le 26 au matin, le régiment est transporté en automobiles aux environs de Fosseux et reconstitué par des éléments de la classe 1915, qui, pour la première fois, fait son apparition au front. » Wikipedia, 24e régiment d’infanterie (France)

Après le 9 mai, l’effet de surprise est passé et la situation s’enlise. Les pertes sont lourdes, mais il était bon pour le moral de la population de montrer des dêpèches officielles optimistes.

Gallica  Extraits du Petit Journal du 27 mai 1915

Le 28 mai, le 24e RI quitte le lieu des opérations pour Frévillers à 21kms de Souchez, sans Alphonse Lussier et nombreux de ses camarades.

Dans le chapitre 12 (Le Portique) , de son roman autobiographique « Le Feu » Henri Barbusse nous décrit Souchez et ses environs vu par les yeux de Poterloo un « pays ». Et voici d’après ces lignes ce qu’a dû voir Alphonse :

« On reprend la route qui, à partir de là, commence à descendre vers le fond où est Souchez. Cette route apparaît sous nos pas, dans les blancheurs du brouillard, comme une effrayante vallée de misère. L’amas des débris, des restes et des immondices s’accumule sur l’échine fracassée de son pavé et sur ses bords fangeux, devient inextricable. Les arbres jonchent le sol ou ont disparu, arrachés, leurs moignons déchiquetés. Les talus sont renversés ou bouleversés par les obus. Tout le long, de chaque côté de ce chemin où seules sont debout les croix des tombes, des tranchées vingt fois obstruées et recreusées, des trous, des passages sur des trous, des claies sur des fondrières.

À mesure qu’on avance, tout apparaît retourné, terrifiant, plein de pourriture, et sent le cataclysme. On marche sur un pavage d’éclats d’obus. À chaque pas, le pied en heurte ; on se prend comme à des pièges, et on trébuche dans la complication des armes rompues, des fragments d’ustensiles de cuisine, de bidons, de fourneaux, de machines à coudre, parmi les paquets de fils électriques, les équipements, allemands et français, déchirés dans leur écorce de boue sèche, les monceaux suspects de vêtements englués d’un mastic brun rouge. Et il faut veiller aux obus non éclatés qui, partout, sortent leur pointe ou présentent leurs culots ou leurs flancs, peints en rouge, en bleu, en bistre.

— Ça, c’est l’ancienne tranchée boche, qu’ils ont fini par lâcher…

Henri Barbusse, le Feu : Journal d’une escouade. Paris, Flammarion, 1916 (p. 157-181).

On voit ici les ruines d’Ablain et Souchez. Alphonse était-il parmi ces soldats qui défilent ?

Vidéos Musée de Souchez. Montage H. Urli :

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Musée de Souchez.
Ruines de la sucrerie de Souchez

Alphonse a son nom, comme beaucoup d’autres, sur l’anneau de Notre-dame-de-Lorette

Il n’est pas enterré dans le cimetière du site. On le retrouve sur le Monument aux Morts de Paris. Sa sépulture est-elle dans un cimetière parisien près du 10e arrondissement ?

Monument au Morts de la Grande Guerre Ville de Paris

Alphonse a sommeillé durant presque 104 ans. Je le ramène chez lui, ou du moins sur la terre de ses ancêtres, là où il est né, pas très loin d’ailleurs à 100 kms au Nord Est dans son Avesnois natal.

Sa tâche, maintenant, sera d’être le fil conducteur d’autres histoires : celles de ses camarades d’infortune.

Annexe :

Les évènements du 9 mai 1915
Henri Carré (lieutenant, 95e RI) dans La grande guerre vécue, racontée, illustrée par les Combattants (Paris : Aristide Quillet, 1922, 2 tomes) nous explique cette offensive (T1 p.205-214, source personnelle)

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D’autres sources sont intéressantes à consulter, je n’en site que quelques-unes : le site chtimiste  (onglet bataille : Offensive en Artois en mai-juin 1915), les archives du Pas-de-Calais ainsi que les Chemins de Mémoire .

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